Un « financement exceptionnel » pour sauver le Festival d’Aix-en-Provence

Xl_festival-aix-en-provence-2024-financements-exceptionnels © Festival d'Aix-en-Provence

Le mois dernier, le Festival d’Aix-en-Provence découvrait un déficit de plusieurs millions d’euros, menaçant la pérennité de ses prochaines éditions. L’Etat et les collectivités locales mobilisent un « financement exceptionnel » remboursable, pour sauver le Festival d’Aix-en-Provence qui devra néanmoins se restructurer et adopter des mesures d’économies. 

Depuis sa prise de fonction à la tête du Festival d’Aix-en-Provence en septembre 2018, Pierre Audi affiche de solides ambitions artistiques et se donne les moyens de les réaliser : le nombre de productions augmente, la manifestation attire le public et a obtenu le prix du Meilleur Festival des International Opera Awards en 2023, mais au prix d’un budget en hausse – passé de 22 millions en 2019 à 27,5 millions en 2023 alors que les finances ne suivent pas. Le Festival peut certes compter sur des subventions publiques (de l’ordre de 11 millions d’euros) et sur un engagement à la hausse de ses mécènes (4 millions en 2019, 6,8 millions en 2023), mais qui n’ont pas absorbé les augmentations de coûts liées à l’inflation et à la crise énergétique, ainsi qu’au faste des dernières éditions. Le Festival creuse son déficit.

Un rapport de la chambre régionale des comptes de 2022 faisait état de « la fragilité financière » du festival aixois du fait de « l’absence de fonds propres », évoquant quatre années de déficit sur sept exercices entre 2014 et 2020. La situation se révélait plus critique encore le mois dernier, suite à la révélation d’une perte de plusieurs millions d’euros, confirmée par un « audit flash » commandé en urgence par le ministère de la Culture à l’Inspection générale des affaires culturelles : sur la base de fonds qui devaient manifestement émaner de mécènes mais non touchés par le festival aixois, la manifestation accuse un déficit évalué à 2,2 millions en 2023 auquel s’ajoute un déficit équivalent pour 2024 malgré la mise en place d’un plan d’économies  – même si « l’année n’est pas encore achevée » et que Pierre Audi a bon espoir de le réduire à seulement 2 millions d’euros. Le directeur artistique reconnait néanmoins que le Festival « a été trop ambitieux » et avoir « trop spéculé sur les recettes de mécénat ».

1,6 millions d’euros de financements d’urgence

Dans ce contexte, au regard du risque de cessation de paiement, la pérennité du Festival d’Aix-en-Provence était menacée, imposant des mesures d’urgence. Aux termes d’un conseil d’administration extraordinaire organisé ce 24 mai et dont les bons mots sont rapportés par Challenge, l’Etat et les collectivités locales apporteront finalement un « financement exceptionnel » pour sauver le Festival d’Aix-en-Provence, à hauteur de 800 000 euros d’avances remboursables pour le ministère de la Culture, et autant de la part des collectivités locales (la municipalité d’Aix-en-Provence, la métropole Aix-Marseille, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur) pour un total de 1,6 millions d'euros. Parallèlement, un collectif de mécènes promet entre 800 000 euros et un million pour contribuer au sauvetage de la manifestation et Pierre Audi annonce avoir « déjà fait un million d'économies sur 2024 » (notamment au prix du report de la version de concert des Vêpres Siciliennes initialement annoncée pour cette année et maintenant prévue pour 2026).

Au regard du caractère nébuleux des pertes des dernières années, ce financement exceptionnel ne se fait pas sans contrepartie : par voie de communiqué, le ministère de la Culture précise que le festival s’engage à « trouver une adéquation entre les moyens budgétaires qui lui sont alloués et sa programmation artistique et culturelle, tout en mettant en place des dispositions de gouvernance pour éviter la reproduction de la situation de crise actuelle ». Les modalités et délai de remboursements de ces avances restent à définir.

Quelles conséquences pour l’avenir du Festival d’Aix-en-Provence ?

Sur un plan financier, selon l’administratrice déléguée du festival Stéphanie Deporcq, la manifestation aixoise va dorénavant s’attacher à reconstituer ses fonds propres sur les prochaines années « dans le cadre d’(un) plan de redressement, de manière à pouvoir honorer (se)s dettes vis-à-vis des pouvoirs publics aux échéances qui seront fixées : il s'agit de redresser, réduire la voilure et faire du bénéfice pour rembourser les avances qui (...) sont octroyées ».

Sur un plan plus artistique, Pierre Audi évoque d’ores et déjà « une réorganisation de la programmation du festival » pour davantage étaler ses projets dans le temps. Le festival reviendra par ailleurs à son offre historique de quatre nouvelles productions scéniques par an, incluant une œuvre de Mozart et une création contemporaine – mais le directeur assure que les programmes socio-éducatif et de formation seront pérennisés (on pense notamment à l’Académie). Pierre Audi envisage aussi des coproductions avec d’autres manifestations lyriques, qui permettront de mutualiser les coûts. Et d’évoquer des productions avec les Chorégies d’Orange (qui font aussi face à des difficultés financières) et l’Opéra de Toulon, afin de contribuer aussi au rayonnement territorial de la région qui contribue donc aussi à son financement.

publié le 27 mai 2024 à 10h21 par Aurelien Pfeffer

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