De longue date, les compositeurs se sont inspirés de la littérature (classique) pour poser les bases des livrets de leurs opéras. Ce sont maintenant les bestsellers américains qui inspirent les créations lyriques du Met Opera, qu’il s’agisse de The Amazing Adventures of Kavalier and Clay pour Mason Bates ou Lincoln in the Bardo pour Missy Mazzoli.
De la Carmen de Mérimée à la Manon Lescaut de l’Abbé Prévost, en passant par Le Barbier de Séville de Beaumarchais, la littérature inspire l’opéra de longue date. Le phénomène n’est pas nouveau et perdure encore aujourd’hui : nombreux sont les compositeurs contemporains à puiser chez les (grands) auteurs pour définir la trame des livrets de leurs œuvres lyriques, parfois à l’initiative de grandes maisons d’opéra. On pense à ce cycle de créations commandées par l’Opéra de Paris, avec plus ou moins de succès, autour des grands chefs d’œuvre du patrimoine français (Trompe-la-Mort par Luca Francesconi en 2017, Bérénice de Michael Jarrell l’année suivante, puis Le Soulier de Satin de Marc-André Dalbavie en 2021) ou plus récemment à la commande de la Scala de Milan à Francesco Filidei pour un opéra inspiré du Nom de la Rose d’Umberto Eco.
Le Metropolitan Opera n’échappe pas à cette tendance, mais de son côté de l’Atlantique, la maison new-yorkaise s’inspire plus volontiers des bestsellers américains.
L’année prochaine, le Met Opera accueillera la création mondiale de The Amazing Adventures of Kavalier and Clay, l’opéra du jeune compositeur Mason Bates. Le livret est signé de Gene Scheer et s'inspire du roman du même titre de Michael Chabon. Depuis The (R)evolution of Steve Jobs, on sait Mason Bates fasciné par les grandes figures contemporaines américaines. Son prochain opéra retrace cette fois la collaboration artistique du dessinateur Josef Kavalier et de l’auteur Sam Klay, qui l’un et l’autre deviendront des acteurs emblématiques de l’industrie des Comics Books aux Etats-Unis. On le notait, suite aux déconvenues financières de l'Opéra de Los Angeles, l’ouvrage fera finalement l’objet d’une création mondiale au Met Opera en 2025.
Lincoln in the Bardo de Missy Mazzoli : Abraham Lincoln et ses fantômes
Sur les réseaux sociaux, le Metropolitan Opera évoque aussi un autre opéra inspiré d’un bestseller américain qui sera donné sur sa scène à l’automne 2026 : Lincoln in the Bardo, le prochain opéra de la compositrice Missy Mazzoli. Elle porte le projet avec de son compère de toujours, le librettiste Royce Vavrek, qui s’est inspiré du roman Lincoln in the Bardo de George Saunders (publié en 2017 aux Etats-Unis). Le roman comme l’opéra se déroulent en 1862, dans un cimetière de Georgetown hanté par des fantômes bavards.
Le président Lincoln vient de perdre son fils, Willie, âgé de onze ans, victime de la typhoïde, alors qu’il est aussi tourmenté par l’idée qu’il est responsable de la mort de milliers de jeunes hommes pendant la guerre civile américaine. Un échange s’engage entre le président, son fil et les fantômes de cimetière qui pressent le jeune garçon à quitter le « bardo », cet espace entre la vie et la mort, pour gagner le « lieu suivant ». Selon Missy Mazzoli, l’ouvrage s’articule ainsi entre « les palabres goguenardes des fantômes, la franchise rafraîchissante de Willie et le chagrin de Lincoln qui se combinent pour éclairer les notions fondamentales de deuil, de sacrifice et d'humanité, le tout dans le contexte d'une nation instable et divisée ». L'opéra Lincoln in the Bardo doit faire l’objet d’une création mondiale à l’Opéra de Los Angeles début 2026, avant d’être donné au Metropolitan Opera de New York l’automne suivant.
Si en France, l’Opéra de Paris a retenu la littérature classique pour servir de thème à ses commandes de nouvelles œuvres lyriques, le Metropolitan Opera semble manifestement davantage inspiré par les romans du XXIe siècle. Dans le cas présents, The Amazing Adventures of Kavalier and Clay et Lincoln in the Bardo sont l’un et l’autre classés dans le top 20 des meilleurs ouvrages du XXIe siècle du New York Times – respectivement à la seizième et dix-huitième places.
publié le 24 juillet 2024 à 15h51 par Aurelien Pfeffer
24 juillet 2024 | Imprimer
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