Samedi dernier, soit le 26 novembre, s’éteignait Russell Oberlin à l’âge 88 ans. Le monde lyrique perd ainsi l’un des pionniers dans l’art des contre-ténors et l’un des fondateurs du New York Pro Orchestra. Sa voix unique allongée dans l’aigu (puisqu’elle pouvait même atteindre le la de soprano) prenait appui sur la poitrine, lui conférant un naturel et une aisance sans égale.
Russell Oberlin est né le 11 octobre 1928 à Akron dans l’Ohio et se lance dès son plus jeune âge dans la musique, entre dans la maîtrise locale en tant que soprano avant qu’une mue précoce ne fasse de lui un baryton. Il évolue ensuite en ténor léger et entre à la Juilliard School of Music en 1948 où il restera jusqu’en 1951. C’est au cours de cet enseignement qu’il découvre l’étendue de son timbre de voix de contre-ténor et rencontre les musiciens qui formeront en 1952 le New York Pro Orchestra sous la direction de Noah Greenberg. Soliste de cet ensemble réputé qui se spécialise dans les musiques du Moyen-Âge et de la Renaissance, il parvient rapidement à s’imposer dans le cercle des médiévistes puis bien au-delà pour devenir le premier contre-ténor largement reconnu aux Etats-Unis, ce « type de voix qui n’avait jamais prospéré auparavant en Amérique », comme l’écrivit Peter G. Davis (« a voice type that had never flourished in America before », Davis, Peter G. The American Opera Singer. New York: Doubleday, 1997).
En 1955, Leonard Bernstein – pour qui Russell Oberlin est l’alto masculin par excellence – lui demande de participer à l’enregistrement du Messie de Haendel et c’est même pour lui qu’il écrira ses Chichester Psalms en 1965 et la musique de scène de L'Alouette. Les éditeurs cherchent alors tous à l’engager et il finit par enregistrer un récital Haendel qui fait date en 1959. Trois ans plus tard, il tient le rôle d’Oberon dans A Midsummer Night's Dream de Britten au Covent Garden après que le chef Georg Solti (né György Stern le 21 octobre 1912 à Budapest et mort le 5 septembre 1997 à Antibes) et la direction de l’opéra eurent décidé de lui confier le rôle plutôt qu’à Alfred Deller. Cet événement marque le début de sa renommée outre-Atlantique, ou plus exactement hors du sol américain. Il enchaîne alors les enregistrements, récitals et chante avec les principaux orchestres, principalement états-uniens mais pas seulement.
Alors que rien ne semble arrêter sa carrière de chanteur, il décide brutalement d’y mettre fin à l’âge de 36 ans pour se consacrer à l’enseignement. Il rejoint le Hunter College à New-York où il enseigne le chant de 1966 à 1994, année qui marque son retrait dans sa maison de Greenwich Village où il s’est éteint samedi dernier.
Côté enregistrements, Lyrichords a décidé de rééditer plusieurs de ses programmes dévolus à la musique ancienne au milieu des années 1990, avant que Deutsche Grammophon ne remette de son côté au goût du jour ses Handel Arias. Un DVD est également disponible chez VAI (Canada), Americas Legendary Counter-tenor, sans oublier bien sûr de nombreux autres albums dont celui du Messie enregistré en 1956 et disponible chez Membran.
30 novembre 2016 | Imprimer
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