Pour sa dernière saison à la tête de la Scala de Milan, Dominique Meyer entend manifestement inscrire sa marque durablement dans l’histoire de la maison scaligère : conformément à la tradition, cette saison 2024/25 fait la part belle au répertoire italien, mais « se projette aussi dans le futur » avec une création mondiale (Le Nom de la Rose) ou une Tétralogie de Wagner qui se poursuivra jusqu’en 2026.
La Scala de Milan s’impose aujourd’hui comme l’une des maisons lyriques de référence et sa saison 2024-2025 en fait de nouveau la démonstration : non seulement le théâtre milanais s’appuie sur ses forces historiques (notamment le répertoire italien), mais le Teatro alla Scala entend aussi « se projeter aussi dans le futur » en concrétisant certains de ses grands projets initiés voici quelques années – notamment des commandes de nouveaux opéras. Des projets rendus possibles grâce aux résultats enregistrés par le surintendant Dominique Meyer : un bénéfice de 8,7 millions d'euros, une billetterie à la hausse et un taux de remplissage moyen de 90% pour les productions d'opéra, pour un tiers du public âgé de moins de 35 ans grâce aux formules destinés aux jeunes spectateurs.
Concrètement, cette saison lyrique 2024-2025 milanaise affiche 14 productions d’opéra dont huit nouvelles (auxquelles s’ajoutent une nouvelle coproduction avec Covent Garden), complétée d’ouvrages pour le jeune public ou encore de sept récitals de chant. Si la Scala fait toujours la part belle aux œuvres italiennes, la prochaine saison s’ouvre aussi au répertoire européen (notamment Wagner, Tchaïkovski ou Gassmann), programme des oeuvres pour le jeune public, ainsi que des ouvrages plus récents – une série Kurt Weill ou la création de l’opéra de Francesco Filidei, Le nom de la Rose, d’après Umberto Eco.
Ouverture et répertoire italien
On le savait, la Scala ouvrira sa prochaine saison avec une nouvelle production de La Force du Destin (plus de vingt ans après la précédente production de l'ouvrage à Milan), cette fois confiée au metteur en scène Leo Muscato et qui sera dirigée par le directeur musicale de la maison, Riccardo Chailly. Comme de coutume pour l’événement qu’est l’ouverture de la saison scaligère le 7 décembre, la (double) distribution est prestigieuse : notamment Anna Netrebko, Ludovic Tézier, Jonas Kaufmann, Vasilisa Berzhanskaya, Alexander Vinogradov ou encore Marco Filippo Romano.
Les amateurs de Verdi pourront aussi compter sur Falstaff, dirigé par Daniele Gatti dans une reprise de la production emblématique de Giorgio Strehler, défendue sur scène par Ambrogio Maestri, Luca Micheletti, Juan Francisco Gatell ou Rosa Feola. Ou encore sur Rigoletto avec Marco Armiliato en fosse et mis en scène par Mario Martone (avec notamment Amartuvshin Enkhbat, Regula Mühlemann ou Vittorio Grigolo).
Le répertoire italien sera également à l’honneur avec le retour de Norma de Bellini, absent de la scène milanaise depuis 1977 du fait de la difficulté de réunir une distribution pour défendre l'ouvrage. Dans une nouvelle production confiée à Olivier Py sous la direction de Fabio Luisi, ce sera Marina Rebeka qui interprétera le rôle-titre aux côtés de Freddie De Tommaso, Vasilisa Berzhanskaya et Michele Pertusi.
Notons encore Tosca dans la mise en scène de Davide Livermore avec Michele Gamba à la baguette (dans une distribution réunissant Chiara Isotton, Francesco Meli ou Luca Salsi), et puis La Cenerentola avec les jeunes artistes du Projet Accademia, encadrés par un chef expérimenté (Gianluca Capuano). Sans doute tout aussi notable, La Fille du régiment de Donizetti par Laurent Pelly à la mise en scène et dirigé par Evelino Pidò, avec sur scène, les voix de Julie Fuchs, Juan Diego Flórez, Pietro Spagnoli et Barbara Frittoli.
Création mondiale du Nom de la Rose
On se souvient qu’en mai de l’année dernière, la Scala annonçait avoir commandé un nouvel opéra à Francesco Filidei, Il nome della rosa, adapté du Nom de la Rose d’Umberto Eco. En coproduction avec l’Opéra national de Paris, l’œuvre fera l’objet d’une création mondiale en avril et mai 2025 dans une mise en scène de Damiano Michieletto et sous la direction musicale d’Ingo Metzmacher. Lucas Meachem interprétera le rôle principal de Guillaume de Baskerville, alors que Kate Lindsey sera son jeune disciple Adso de Melk, et que Daniela Barcellona chantera le rôle de l’antagoniste Bernardo Gui.
La saison comptera une seconde création mondiale, cette fois commandée à la jeune compositrice Silvia Colasanti (c'est la première fois que la Scala fait appel à une compositrice). Basé sur un livret de Paolo Nori, Anna A. (c’est le titre de l’ouvrage) est destiné aux adolescents et traite de la vie de la poétesse Anna Achmatova.
Le répertoire européen
Parallèlement à une attention toujours renouvelée portée au répertoire italien dans son ensemble, la Scala revendique aussi « une série de nouvelles productions importantes dédiées au répertoire européen ». Un nouvel Eugène Onéguine de Tchaïkovski est annoncé, avec Mario Martone à la mise en scène et Margherita Palli pour les décors (ils avaient déjà collaboré pour la Khovanshchina en 2019), aux côtés cette fois du jeune chef Timur Zangiev. Sur scène, Aida Garifullina, Dmitry Korchak, Elmina Hasan.
La Scala invite aussi à découvrir L’Opera Seria du compositeur tchèque Florian Leopold Gassmann, dans une mise en scène de Laurent Pelly et sous la direction de Christophe Rousset – sur scène, entre autres, Mattia Olivieri, Pietro Spagnoli, Giovanni Sala ou Serena Gamberoni.
En fin de saison, La Scala proposera aussi une nouvelle mise en scène de Cosi fan tutte qui sera l’occasion de marquer les débuts d'Alexander Soddy dans la fosse milanaise et le retour de Robert Carsen à la mise en scène. À noter aussi les infidélités de Riccardo Chailly au répertoire italien pour diriger les ouvrages de Kurt Weill, Die Sieben Todsünden et Mahagonny-Songspiel donnés pendant la pandémie et complétés de Happy End pour composer une nouvelle production signée par Irina Brook.
La Tétralogie de Wagner par Christian Thielemann
La Scala poursuit également sa Tétralogie de Wagner avec le chef d’orchestre Christian Thielemann, dans la mise en scène de David McVicar. Après L'Or du Rhin qui sera présenté cet automne 2024, la maison milanaise enchainera avec La Walkyrie en février 2025 – puis Siegfried plus tard la même année, en attendant Le Crépuscule des Dieux en 2026. Cette Tétralogie se conclura en outre en 2026 par la production de deux cycles complets.
Mise à jour (15 septembre 2024) : suite à une opération du tendon en octobre 2024, Christian Thielemann doit renoncer à diriger la nouvelle Tétralogie de la Scala de Milan. Il est remplacé par Simone Young et Alexander Soddy.
En attendant, en février prochain, La Walkyrie réunira une distribution particulièrement expérimentée, composée de Klaus Florian Vogt, Günther Groissböck et Michael Volle, aux côtés d’Elza van den Heever, Okka von der Damerau et Camilla Nylund.
Si Dominique Meyer quittera ses fonctions en août 2025 pour laisser la place à Fortunato Ortombina (il indique qu'il aurait « souhaité poursuivre et que le conseil d'administration le voulait aussi, mais... » le gouvernement italien en a décidé autrement), on comprend que sa dernière saison aura manifestement de quoi marquer les esprits, mais devrait aussi poser quelques jalons pour l’avenir, qui continueront à porter leurs fruits même après son départ. Le détail de la nouvelle saison est disponible sur le site de la Scala.
publié le 28 mai 2024 à 16h42 par Aurelien Pfeffer
28 mai 2024 | Imprimer
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