Autant par tradition que sous l’impulsion de ses principaux directeurs musicaux, la Scala de Milan s’impose comme le temple de l’opéra italien. Pour autant, la programmation de la saison 22/23 composée par Dominique Meyer et que le théâtre milanais dévoile aujourd’hui promet 250 représentations nourries d’une grande diversité de répertoires, de mises en scène et de distributions – réunissant quelques-unes des plus grandes voix internationales autant que des jeunes artistes émergents.
Boris Godunov en Ouverture
La saison 22/23 du Teatro alla Scala affiche ainsi un total de quatorze opéras. Comme souvent, le cœur de la programmation milanaise est italien (pour huit livrets de la prochaine saison), mais la maison scaligière promet aussi du chant en anglais, français, allemand, russe, tchèque et napolitain – la maison milanaise y voit l’héritage de la culture cosmopolite de la Scala qui remonte à Toscanini et l’ouverture européenne entretenue aujourd’hui par le directeur musical Riccardo Chailly.
Et la mention n’est peut-être pas anodine dans la mesure où, comme l’évoquaient les indiscrétions de la presse italienne depuis quelques mois, c’est bien une nouvelle production de Boris Godunov de Moussorgski qui ouvrira la saison de la Scala le 7 décembre prochain (dans la version 1869 de l’œuvre). La mise en scène est confiée à Kasper Holten et Riccardo Chailly assurera la direction musicale. Pour autant, on retient aussi qu’il s’agit donc bien d’un opéra russe, et dont le rôle-titre est confié au Russe Ildar Abdrazakov – malgré le contexte international et le conflit ukrainien. L’œuvre et la distribution ont assurément été sélectionnées voici de nombreux mois et Dominique Meyer n’y renonce pas, en indiquant ne pas vouloir mener de « chasse aux sorcières ».
La diversité du répertoire italien
Plus classique, Riccardo Chailly se réserve également le podium de Lucia di Lammermoor, dans la mise en scène de Yannis Kokkos, avec Lisette Oropesa et Juan Diego Florez qui brillent l’un et l’autre régulièrement dans l’ouvrage de Donizetti – et qui auraient dû ouvrir la saison 20-21 de la Scala avec cette même production si la pandémie n’avait pas contraint la maison milanaise à l’annuler.
Même au sein du répertoire italien, la Scala revendique un effort de variété avec des raretés baroques comme Li Zite 'ngalera du compositeur Leonardo Vinci qui n’a encore jamais été donné à la Scala ; une nouvelle production signée Hugo De Ana des Vêpres siciliennes disparu de la scène milanaise depuis 1990 ; ou des reprises comme le Macbeth de Verdi qui avait fait l’ouverture de la saison 21-22 dans la mise en scène de Davide Livermore, avec notamment Luca Salsi et Anna Netrebko (la reprise des productions d'ouverture la saison suivante est une tradition de la Scala). Et comme la maison milanaise ne rechigne jamais à un certain classicisme, elle reprogramme aussi La bohème dans l’immortelle mise en scène de Franco Zeffirelli datant de 1963, pour commémorer le centième anniversaire de la naissance du metteur en scène – de façon astucieuse, la Scala confie néanmoins cette production très classique à la jeune cheffe sud-coréenne Eun Sun Kim (la cheffe principale de l'Opéra de San Francisco), autour d’une distribution tout aussi jeune emmenée par Freddie De Tommaso, Marina Rebeka, Luca Micheletti et Irina Lungu.
Et des opéras étrangers
Le répertoire non italien réserve aussi quelques belles surprises : Salome en janvier 2023, dirigé par Zubin Mehta et dans une mise en scène de Damiano Michieletto, avec Vida Miknevičiūtė dans le rôle-titre (dans lequel elle nous impressionnait déjà à Bastille le mois dernier), Les contes d’Hoffmann en mars 2023 avec l’Hoffmann de Vittorio Grigolo (l’un de ses « rôles signatures »), puis en mai Andrea Chénier dont le rôle-titre sera partagé entre Yusif Eyvazov et Jonas Kaufmann aux côtés notamment de Sonya Yoncheva (à cette heure, la maison milanaise se garde néanmoins de communiquer la répartition des dates des deux distributions).
Mentionnons aussi Rusalka de Dvořák, donné pour la première fois à la Scala, ici dans une mise en scène d’Emma Dante avec Olga Bezsmertna dans le rôle-titre ; un Peter Grimes confié à Simone Young et dans la mise en scène de Robert Carsen avec Brandon Jovanovich et Nicole Car ; ou encore pour clore la saison, L'amour des trois rois d’Italo Montemezzi dans une mise en scène d’Àlex Ollé avec La Fura dels Baus, avec une distribution emmenée par Günther Groissböck.
Récitals et jeune public
À destination du jeune public, la Scala annonce aussi avoir commandé un nouvel opéra pour enfant, Le Petit Prince, sur une partition de Pierangelo Valtinoni et un livret de Paolo Madron d’après Saint-Exupéry. La mise en scène de la création sera confiée à Polly Graham et le jeune lauréat du concours Toscanini, Vitali Alekseenok, en assurera la direction musicale.
Parallèlement à ses opéras, la Scala programme également plusieurs récitals. De grandes voix accompagnées par des pianistes « qui sont bien plus que des accompagnateurs » : Michael Volle aux côtés d’Helmut Deutsch, Markus Werba interprétant Winterreise avec Michele Gamba, Vittorio Grigolo avec Vincenzo Scalera, Anna Netrebko avec Elena Bashkirova le temps d’une soirée russe, Luca Salsi avec Nelson Calzi ou encore Benjamin Bernheim dans un programme inspiré de son dernier disque Boulevard des Italiens avec Carrie-Ann Matheson. Et s’y ajoute le retour de Renée Fleming sur scène pour célébrer le 150e anniversaire de Rachmaninov avec Evgeny Kissin au piano.
Après deux ans difficiles, les équipes de la Scala indiquent mesurer l’appétit du public pour le spectacle vivant et le retour dans les salles. C’est à l’aune de cet appétit que la maison milanaise revendique une saison 22-23 « riche et complexe » comme « l’expression d’un théâtre qui veut une fois encore regarder vers l’avenir ».
07 juin 2022 | Imprimer
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