Vasilisa Berzhanskaya : « Je suis prête à aller de l’avant ! »

Xl_vasilisa-berzhanskaya-interview-2022 © DR

Alors qu’elle était à Aix-en-Provence pour incarner Sinaïde dans Moïse et Pharaon ou le Passage de la Mer Morte où elle faisait sensation, nous avons retrouvé Vasilisa Berzhanskaya  qui attend un heureux évènement  pour une interview dans laquelle elle nous raconte ses débuts et nous dévoile ses projets.

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Opera Online : Vasilisa, comme le public français ne vous connaît pas (encore) très bien, je propose que nous commencions par les études qui vous ont menée à cette vocation de soprano.

Vasilisa Berzhanskaya : J’ai décidé de devenir chanteuse lorsque j’avais 14 ans. Auparavant, j’avais étudié le piano, mais il a été vite évident que je ne serai pas une grande pianiste (rires). J’ai grandi à Iessentouki, une toute petite ville en Russie où il n’y avait ni théâtre, ni aucune autre possibilité de découvrir l’art lyrique. À l’issue de mes études secondaires, j’ai décidé de me mettre, professionnellement au chant et de commencer à apprendre la technique du chant.

Il y avait un « collège musical » proche de ma ville. J’ai passé les examens d’entrée assez facilement. Et là, j’ai découvert l’art lyrique, naturellement encore à un niveau d’étudiant, mais c’est devenu très intéressant pour moi d’en savoir plus.

Vasilisa Berzhanskaya

Après un an à l’Université, j’ai réalisé que j’avais besoin d’approfondir mes connaissances, de me développer plus rapidement. J’ai demandé à ma mère si je pouvais aller à Moscou où, bien évidemment, il y avait plus de possibilités, notamment, déjà, celle de pouvoir voir des représentations ! 

Suite au premier opéra auquel j’ai assisté, ma décision était prise de devenir chanteuse lyrique !

J’ai alors visionné un certain nombre de choses sur YouTube, en DVD, j’ai écouté des CD. J’ai aussi tiré des leçons de ces enregistrements, tant sur les répertoires, que sur les types de voix.

Puis, ensuite, j’ai commencé à voyager pour participer à des concours pour étudiants dans l’art lyrique dont la plupart ont été couronnés de succès.

Que chantiez-vous alors ? Du Rossini ?

Non, pas du tout ! C’était très diversifié. Je n’étais encore spécialisée.

Il y avait par exemple l’air de Barbarina ou la première partie de l’air d’Amina. J’évoluais plutôt dans un répertoire de soprano léger. À 14 ans, ma voix était très jeune, peu puissante. Il était difficile d’en déduire quel serait mon répertoire dans l’avenir. En Russie, le système pour les études musicales est le suivant : d’abord la « musical school », puis le Collège, puis l’Académie ou le Conservatoire, ces deux derniers se décomposant en deux niveaux d’éducation.

Vasilisa Berzhanskaya : « Après plusieurs mois de pratique de la technique, j’ai commencé à chanter des airs pour mezzo-soprano clair, comme Cherubino, Ruggiero, Stefano et j’ai immédiatement compris que ce répertoire me convenait. »

Ma professeure à Moscou était Ruzanna Lisitsian. Elle appartient à une dynastie d’opéra très célèbre en Russie. Son père était Pavel Lisitsian, un baryton très connu.

Après deux ans d’études à l’Académie, j’ai réussi mon audition et suis rentré dans le plus grand opéra de Vladivostok où j’ai fait mes débuts professionnels. Je chantais alors des rôles de soprano lyrique. Soit dit en passant, mon répertoire actuel n’est malheureusement pas aussi populaire en Russie que je le souhaiterais. Mais je constate que l’intérêt pour le bel canto et le baroque va en grandissant.

Après une année à Vladivostok, j’ai compris que quelque chose n’allait pas tant pour le répertoire que pour la technique de chant. J’ai donc décidé de passer à autre chose et j’ai passé avec succès la sélection pour le programme de jeunes artistes du Bolshoï où j’ai rencontré mon nouveau professeur, Dmitry Vdovin – qui était aussi le directeur du programme. Il a alors identifié que je ne me situais pas dans le bon répertoire. Après plusieurs mois de pratique de la technique, j’ai commencé à chanter des airs pour mezzo-soprano clair, comme Cherubino (Les Noces de Figaro), Ruggiero, Stefano et j’ai immédiatement compris que ce répertoire me convenait.

Puis, en 2016, en tant que mezzo donc, je suis venue à l’Accademia Rossiniana à Pesaro dans le cadre d’un programme russo-italien. C’était mon premier projet international. J’ai préparé le petit rôle de Magdalena dans Le voyage à Reims. À l’époque, je ne chantais pas de Rossini et cela, au début, n’a pas été facile. Alberto Zedda et Ernesto Palacio m’ont aidée à trouver des airs pour le dernier concert de l’Académie. C’était l’air de Cenerentola et la scène finale d’Armida.

Zedda m’a demandé pourquoi je n’apprenais pas le rôle de la marquise Melibea plutôt que celui de Magdalena dans Le voyage à Reims. En fait, je pensais que ce rôle n’était pas encore pour moi, mais j’ai décidé d’essayer. Et finalement, donc, c’est avec Melibea que j’ai fait mes débuts au Festival Rossini !

Vasilisa Berzhanskaya, Moise et Pharaon © ROF - Studio Amati Bacciardi

Et ce fut le début de l’aventure rossinienne…

Oui, en effet, j’ai alors signé plusieurs contrats à la suite de cela. Je me souviens très bien de mon premier contrat d’artiste invitée pour le rôle de Cenerentola à Bâle, rôle qui m’a été proposé le lendemain de la représentation du Voyage à Reims !

Aujourd’hui donc, je chante principalement le répertoire rossinien, Le barbier de Séville, La Cenerentola, Le voyage à Reims (à Pesaro et à Berlin), L'Italienne à Alger, Moïse et Pharaon ou le Passage de la Mer Morte… Sont également prévus Maometto II, Desdemona dans Otello, Semiramide et encore d’autres rôles encore à venir.

Semiramide est plutôt un rôle de soprano…

Un « rôle Colbran ». Je comprends, aujourd’hui, que je suis prête à aller de l’avant !

Vous allez également aborder d’autres rôles de bel canto, comme Norma à Gênes l’an prochain !

Absolument ! Et, ce qui est intéressant, c’est qu’Adalgisa est aussi prévue. Mais ce sera après Norma ! Les « rôles Colbran » comme les « rôles Falcon » sont vraiment intéressants pour moi. Pour chaque chanteur, s’engager dans ce genre de répertoire est un énorme défi. J’aime les défis ! Et j’attends ces débuts avec impatience !

Quelles ont été vos prises de rôles chez Bellini et Donizetti ?

Sara dans Roberto Devereux à Palerme, Romeo dans Les Capulets et les Montaigus à Rome. Je vais aussi prochainement interpréter Seymour dans Anna Bolena.

Et le répertoire français ?

Il m’intéresse beaucoup ! Beaucoup de rôles sont écrits pour mon type de voix. Pour le moment, je planifie mes débuts dans Charlotte (Werther) et Carmen.

Finalement, vous chantez maintenant dans de nombreux grands théâtres européens.

En effet… au Deutsche Oper de Berlin, à Naples, à Rome, à Covent Garden, à Vienne, à Salzbourg, à Florence, à Gênes, à Aix-en-Provence actuellement, à Pesaro bien sûr, à Vérone.

En revanche, vous n’avez pas beaucoup chanté en France.

En effet, je chante actuellement ici, à Aix-en-Provence puis suivront des représentations de Moïse et Pharaon à Lyon.

Où vivez-vous aujourd’hui ?

À Novossibirsk, en Sibérie. Ma famille et ma maison sont là-bas. Mais, évidemment, je suis toujours sur les routes. Lorsqu’un contrat termine, un autre débute.

Y a-t-il un disque de prévu ?

Je m’y sens prête en tous cas ! Peut-être l’an prochain. J’ai déjà des idées de ce que j’aimerais avoir sur ce premier album.

Donc, une année riche est à venir…

La saison commence avec Rosina du Barbier de Séville à Florence, puis ce sera Munich, Berlin, Gênes, Vienne, Naples, et d’autres choses qui ne sont pas encore annoncées.

Et à un moment, cet automne, je vais devoir m’arrêter pour l’évènement tant attendu - car le bébé va arriver ! Dès lors, une nouvelle étape de ma vie va commencer.

Il nous reste à attendre ces beaux rôles et, bien sûr, à vous souhaiter le meilleur avec l’arrivée de votre bébé.

Propos recueillis par Paul Fourier
(Aix-en-Provence, août 2022)

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