Opéra de Hambourg : Tobias Kratzer dévoile sa première saison 2025/26

Xl_saison-2025-2026_opera-de-hambourg © Opéra de Hambourg

Le metteur en scène Tobias Kratzer va prendre ses fonctions de directeur artistique de l’Opéra de Hambourg en septembre prochain. D’ici là, il dévoile sa première saison, ambitieuse, créatives et foisonnante de curiosités, entre ouvrages rares et créations mondiales. 

Enfant terrible des scènes lyriques, Tobias Kratzer s’est rapidement fait un nom avec ses mises en scène de théâtre puis surtout d’opéra. Fin 2022, il était nommé directeur artistique de l’Opéra de Hambourg avec une prise de fonction fixée à septembre prochain. D’ici là, il vient de dévoiler les grandes lignes de sa première saison : elle est manifestement à l’image du personnage, riche et éclectique, inventive, créative et éminemment actuelle, portée par une ambition, s’engager à faire de l’institution hambourgeoise un « Opéra citoyen ouvert à tous ». Et de faire sien le slogan d’une célèbre enseigne de fast food : « venez comme vous êtes ». Selon le directeur artistique, tout le monde est le bienvenu à l’Opéra de Hambourg – pour découvrir plusieurs nouvelles productions et une vingtaine de reprises.

En guise de bienvenue, cette nouvelle saison 2025/26 s’ouvrira le 27 septembre 2025 avec une production inédite signée Tobias Kratzer de Das Paradies und die Peri – l'oratorio profane de Schumann est adapté de l'épopée orientale Lalla Rookh de Thomas Moore. Dans l'ouvrage, la Peri, une créature fantastique de la mythologie persane, espère gagner le paradis grâce à ses présents à un ange : il faudra la larme d’un vieil homme nostalgique de son enfance pour lui ouvrir les portes des cieux. Selon Tobias Kratzer, dans un monde menacé et en crise, l’art ne peut certes pas nous sauver mais peut néanmoins nous aider à comprendre et à ressentir de l’empathie. Das Paradies und die Peri ouvre les portes de l’Opéra de Hambourg, et sera défendu sur scène par de jeunes interprètes emmenées par Vera-Lotte Boecker ou Eliza Boom

Opéra de Hambourg, saison 2025 / 2026
Opéra de Hambourg, Omer Meir Wellber (directeur musical), Tobias Kratzer (directeur artistique du lyrique), Bettina Böttinger, Demis Volpi (directeur artistique du ballet)

Renouveler le répertoire

La programmation de la saison entend par ailleurs explorer le foisonnement du genre opératique, notamment en renouvelant les grandes oeuvres de répertoire. À partir de mars 2026, Die große Stille (Le Grand silence) invitera à redécouvrir la musique de Mozart : le metteur en scène de théâtre Christopher Rüping et son équipe imagineront un projet de théâtre musical embarquant le spectateur dans un lointain futur et sur une planète éloignée, pour s’interroger sur ce que suscite en nous la musique du génie salzbourgeois et sur les conséquences du silence. Les grandes pages de Mozart seront confiées au chef Omer Meir Wellber, et interprétées sur scène notamment par Ana Durlovski, Gregory Kunde ou Marie Maidowski.

Même travail artistique d’assemblage avec le projet Frauenliebe und -sterben (L’Amour et la mort – des femmes) qui réunit cette fois des compositions de Schumann (Frauenliebe und -leben), de Bartok (Le Château de Barbe-bleue) et de Zemlinsky (Une tragédie florentine). Tobias Kratzer s’appropriera les trois œuvres pour produire un spectacle racontant une vaste épopée familiale s’étendant sur plusieurs générations, illustrant l’évolution des mœurs de ces dernières décennies et notamment la place qu’y tiennent les femmes.

Des opéras de répertoire rares ou populaires

En novembre, une nouvelle production du rare Rousslan et Ludmilla de Mikhaïl Glinka reviendra au mythe fondateur de la Russie et de l’Ukraine mais sous le prisme du conte de fée : les metteuses en scène hongroises Alexandra Szemerédy et Magdolna Parditka « regardent au-delà la façade magique du monde des légendes et abordent les personnages avec une grande curiosité quant à leurs peurs humaines les plus primitives et leurs failles psychologiques ». Et ce faisant, « elles suivent aussi les traces qui mènent aux systèmes autoritaires d’hier et d’aujourd’hui ». Le chef Ben Glassberg est annoncé sur le podium pour diriger une distribution réunissant Alice Meregaglia, la jeune Gabriela Legun, Giorgi Manoshvili, Nicky Spence, Kristina Stanek, Natalia Tanasii et Alexander Roslavets.

En mai 2026, c’est Le Barbier de Séville qui reviendra sur la scène de Hambourg, dans une nouvelle mise en scène de Tatjana Gürbaca. L’opéra bouffe de Rossini sera néanmoins abordé de façon plus mélancolique que comique, pour interroger les liens entre apparence et réalité : « car derrière certaines mascarades se cache l'envie d'échapper à son propre rôle, derrière certaines acrobaties vocales vantardes la peur de passer à côté de la vie ». Raffaella Lupinacci interprètera le rôle de Rosina, Mattia Olivieri celui de Figaro.

Monster's Paradise (opéra)

Création mondiale de Monster’s Paradise par Olga Neuwirth et Elfriede Jelinek

Le point d’orgue de cette saison devrait néanmoins être la création mondiale de Monster’s Paradise, nouvel opéra commandé spécialement à la compositrice Olga Neuwirth sur un livret de l'écrivaine Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature 2004. Le sujet ? Deux vampires qui pourraient la compositrice et la librettiste voyagent à travers le monde et observent le déclin de l’humanité, alors qu’un roi-président despotique et Gorgonzilla, un monstre colossal aux allures de Godzilla qu’il a lui-même engendré, se disputent le pouvoir. À mi-chemin entre la satire et la tragédie, l’ouvrage interroge sur l’état du monde : le despote politique « a des airs évidents de Trump, inspiré de l’Ubu roi de Jarry, la représentation de l’enfant capricieux et colérique qui renverse la table avec ses couverts ». Les deux autrices soulèvent ainsi une question presque absurde : « dans quel genre de monde peut-on espérer qu’un monstre vienne nous sauver d’un tyran ? »

L’ouvrage fera l’objet d’une création mondiale du 1er au 19 février 2026, dans une mise en scène de Tobias Kratzer (qui évoque un « Grand Guignol contemporain »), dirigé par le chef Titus Engel. Sur scène, l’opéra réunira Sarah Aristidou, Kristina Stanek, Georg Nigl, Anna Clementi, Andrew Watts et Eric Jurenas.

Opéras pour enfants, une « impérative nécessité »

Et comme s’adresser à tous les publics implique aussi de programmer des opéras pour les plus jeunes, l’Opéra de Hambourg complète sa saison avec des ouvrages pour enfants – que Tobias Kratzer ne considère pas comme un sujet de niche, mais comme une impérative nécessité. Raison pour laquelle il signera lui-même une nouvelle mise en scène de Die Gänsemagd, l’opéra pour enfants d’Iris ter Schiphorst créé à Vienne en 2010 et inspiré de La Petite Gardeuse d'oies des frères Grimm. Sa mise en scène aura vocation à faire participer les jeunes spectateurs dans une production vivante, donnée à Hambourg à partir du 28  septembre, avec Ida Aldrian, Hellen Kwon, Tigran Martirossian et Katja Pieweck.

Tout aussi ambitieux, Hambourg entend mettre rien de moins que Stockhausen à la portée des enfants. On connait le cycle Licht (Lumière) du compositeur, cette somme de 29 heures de spectacle radical en sept parties, comme autant de jours de la semaine. Avec Le Voyage de Michael, la metteuse en scène Elisabeth Stöppler entend proposer une version réduite du deuxième acte du Donnerstag aus Licht (le Jeudi de Lumière), une pièce purement instrumentale. Elle affiche l’ambition de « proposer aux enfants comme aux adultes, une approche sensorielle de cette œuvre centrale de la jeune avant-garde musicale ».

La prochaine saison de l’Opéra de Hambourg se complète aussi d’une vingtaine de reprises d’œuvres de répertoire. On y trouve notamment la trilogie de Strauss mise en scène par Dmitri Tcherniakov, incluant Salomé, Ariane à Naxos et Elektra, mais aussi Lohengrin dans la mise en scène de Peter Konwitschny, Tristan et Isolde dans la production de Ruth Berghaus ou encore L'Elixir d'Amour dans la mise en scène historique de Jean-Pierre Ponnelle, parmi de nombreux autres opéras.

Manifestement sous l’impulsion de la direction artistique de Tobias Kratzer, une « nouvelle ère » débute à l’Opéra d’Etat de Hambourg avec cette saison 2025/26. On en trouve l'exubérant détail sur le site de l’institution hambourgeoise.

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