Don Pasquale au Liceu, la maison à l'envers

Xl_xl_donpasqualeliceu15 © DR

Don Pasquale n’est peut-être pas un chef d’œuvre, mais c’est incontestablement une très belle œuvre, écrite avec grande maîtrise – mais elle requiert aussi une grande maîtrise et expérience de la part des interprètes. Et en cette occasion, dans certains cas, peut-être n’y avait-il pas assez de maîtrise.
Après presque trente années d’absence sur la scène du théâtre (les dernières représentations datent de 1986) Don Pasquale est de retour au Liceu, le dernier opera buffa de Donizetti et probablement le dernier opera buffa tout court – les opéras comiques qui ont suivi répondaient à un nouveau modèle, une autre structure, et se sont affranchis de la tradition de l’opera buffa.

Don Pasquale est donc de retour, dans une nouvelle mise en scène signée par Laurent Pelly, une coproduction entre le Liceu et les opéras de Santa Fe et de San Francisco, qui était présentée en avant-première l’été dernier à Santa Fe.

Pelly est généralement à l’aise dans le registre comique. Sa belle Cendrillon et ses Contes d’Hoffmann très réussis qu’on avait vu au Liceu lors des saisons passées le confirment. Pour autant, ce Don Pasquale n’est sans doute pas son meilleur travail et passera probablement sans laisser de trace dans les mémoires.
Sans être dans l’erreur ou trahir l’esprit original de l’œuvre, le choix de Pelly donne une grande importance aux aspects les plus cruels et sordides de la trame. Cette approche perd sa drôlerie assez tôt et transforme les personnages en un ensemble d’égoïstes immoraux, sans pour autant en faire jaillir le nouveau sens de l’œuvre.

La direction théâtrale des chanteurs, théoriquement inspirée de la comédie cinématographique italienne de la moitié du XXème siècle (Sordi, Gassman, Mastroinanni, etc.) est erratique, ponctuée de changements de registre injustifiés dans la gestualité. La mise en scène restitue néanmoins assez bien l’atmosphère de l’œuvre (la scénographie est de Chantal Thomas) et la transformation de l’espace effectuée par Norina-Sofronia chez Don Pasquale est exprimée de façon spectaculaire sur scène, en renversant littéralement le décor au dernier acte.

Musicalement ce Don Pasquale était correct mais pas beaucoup plus. Lorenzo Regazzo, débutant au théâtre et très engagé scéniquement avec le personnage du pauvre vieux ridiculisé par tous, était manifestement limité en terme de puissance vocale et a rencontré des difficultés au moment de donner du corps et de la présence aux notes les plus graves. La soprano Valentina Naforniţa, débutante au théâtre elle aussi, était convaincante, chantait avec style et était superbe dans le double rôle de Norina-Sofronia, changeant parfaitement de registre d’un personnage à l’autre. Elle eut néanmoins également quelques difficultés avec les redoutables aigus de sa partition.

Juan Francisco Gatell, qui a déjà participé à cette saison dans le rôle du Conte d’Almaviva dans Il Barbiere di Siviglia, s’est imposé comme un bon Ernesto, avec une belle voix de ténor lyrique-léger. Lui aussi a accusé certaines difficultés dans les aigus d’un rôle qui exigeait de lui quasi constamment de chanter dans le tiers supérieur de sa tessiture. Mais l’essentiel était néanmoins là et la prestation agréable.

Le baryton polonais Marius Kwiecień, encore un autre débutant au Liceu, est celui qui proposa la plus belle voix ce soir-là, mais son style et son phrasé n’étaient sans doute pas le plus judicieux – le personnage de Malatesta doit être chanté avec plus d’élégance et moins de caricature.

La direction musicale incombait au chef vénézuélien Diego Matheuz, un autre débutant au Liceu – et peut-être comptait-on un peu trop de débuts pour cette seule soirée. Son travail fut simplement discret, ayant pour conséquence de faire entendre un orchestre souvent déséquilibré. Mention spéciale pour le chœur qui, heureusement, ne faisait pas ses débuts ce soir au Liceu. 

par Xavier Pujol

Don Pasquale - jusqu'au 27 juin au Liceu de Barcelone

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